Le Hezbollah pris entre deux feux : sa propre société et ses alliés nationaux
Le secrétaire général du Hezbollah libanais, Sayyed Hassan Nasrallah, bénéficie d’un soutien inégalé parmi les chiites au Liban et plus largement parmi «l’Axe de la résistance», qu’il dirige. Il est le leader le plus célèbre du Liban, il est très respecté et écouté par ses partisans et ses ennemis, en particulier Israël. Cependant, comme la situation financière du Liban s’est fortement détériorée, il n’est plus dans une position enviable et aura besoin de compétences exceptionnelles pour maintenir l’unité du Liban à un moment où ses prétendus alliés politiques font preuve d’un comportement hostile. Les partisans du Hezbollah et ses alliés politiques ne sont plus en harmonie. Les tensions atteignent maintenant des niveaux sans précédent, non seulement sur les réseaux sociaux, mais aussi en ce qui concerne les choix politiques. Les raisons sont multiples.
Sayyid Nasrallah a une influence incontestée sur ses partisans dans la mesure où la plupart d’entre eux font écho au mot «Sayyid» – comme l’appellent ses disciples qui utilisent également l’acronyme «Samahto», les termes arabes signifiant son éminence, un titre religieux. Ses discours deviennent une feuille de route pour ses partisans, analystes, journalistes et politiciens, et le détail de ses opinions et idées politiques est rediffusé sur la plupart des plateformes médiatiques.
Mais cela n’empêche pas les membres de la société qui nourrissent le Hezbollah – dont le Hezbollah fait partie intégrante – d’être en désaccord avec les déclarations du Sayyid concernant son lien politique avec ses alliés, en particulier le plus grand parti chrétien «Tayyar al Watani al-Hurr», Le Mouvement Patriote Libre (FPM). En fait, les partisans du Hezbollah ont décidé de contourner les recommandations du Sayyid, et de «se guider la nuit comme un chameau» – une expression utilisée par l’imam Hussein Bin Ali pour ses partisans la veille de la dernière bataille de Karbalaa, quand il a invité ses partisans à partir à la tombée de la nuit pour éviter d’être vus par l’ennemi et ainsi échapper à la mort le lendemain. Sur les réseaux sociaux, une autre guerre se déroule où les partisans du Hezbollah expriment durement leurs frustrations, empiétant sur la zone de confort du Hezbollah et contestant ses préférences politiques.
Dans l’un de ses derniers discours, Sayyid a souligné l’importance de modérer les échanges sur les plateformes de médias sociaux entre alliés, de tous les côtés, affirmant que le lien avec ses alliés est solide et sain. Sayyid Nasrallah a voulu dégonfler le niveau actuel des tensions résultant d’une série d’événements survenus au Liban. Nul doute que le chef du Hezbollah espérait aborder le vrai problème entre alliés sous un angle différent, loin des plates-formes publiques.
Mais regardons ce qui se passe réellement au Liban. Il n’y a aucun programme caché derrière cet article et aucune intention d’attiser les différences nationales existantes. Son objectif est de révéler une réalité que les Libanais découvrent en cette période de détresse financière que le pays vit depuis des mois. Le niveau de la dissension a augmenté au point où il est devenu incontournable. Il est temps de répondre à cette dissension.
Le Liban est dans un état de sérieuse discorde depuis que les gens sont descendus dans la rue l’année dernière pour exiger de meilleures conditions de vie, et exprimer leur mépris pour les politiciens responsables de décennies de corruption et de mauvaise gestion. Cela a effrayé tous les politiciens de l’époque car ils ont compris que le peuple libanais se révoltait contre chacun d’entre eux, et ils ont été accusés d’être responsables de trois décennies de vol, de perte d’emplois, d’injustice et de corruption.
Comme dans le cas de manifestations similaires en Irak, l’ambassade américaine a tenté de renverser la vague populaire de manifestations pour détourner les manifestants contre l’ennemi le plus redouté d’Israël, le Hezbollah.
Le “Mouvement du Futur” – fondé par feu le Premier ministre Rafiq Hariri et maintenant dirigé par son fils Saad, tous deux cibles des manifestants – a poussé la situation au bord du gouffre lorsque ses partisans ont fermé la seule route reliant Beyrouth au sud du Liban. Hariri était contrarié d’avoir échoué dans la recherche d’un nouveau gouvernement et a été remplacé par Hasan Diab. Hariri a regretté d’avoir approuvé le choix de Diab et a depuis cherché à saper toutes les chances de succès du nouveau cabinet.
Fermer la route Sud-Liban – Beyrouth signifie bloquer les mouvements du Hezbollah vers le sud, nécessaires au maintien de l’état de préparation militaire en cas de guerre éventuelle avec Israël. Suite au blocage répété de cette route vitale, le Hezbollah a appelé ses réserves situées le long de cette route à se préparer pour la dégager de force. À ce stade, l’armée libanaise est intervenue pour éviter les affrontements, désamorcer les tensions et obtenir l’engagement de garder la route ouverte à tout moment. L’objectif était de préserver les droits des manifestants pacifiques tout en empêchant les émeutiers ayant un programme politique de compromettre la coexistence libanaise entre les différentes religions.
Les manifestations ont sonné l’alarme pour les banquiers qui avaient accumulé une énorme richesse au fil des ans grâce à l’ingénierie financière de la Banque centrale. Ils avaient fait sortir clandestinement leurs avoirs du pays avant le début du soulèvement général. Les banques ont fermé leurs portes et empêché les déposants de récupérer leur épargne. Les banques ont semé la panique et détruit toute confiance dans le système bancaire et dans tout plan financier gouvernemental. Les gens se sont précipités pour retirer de l’argent des banques dans les limites autorisées, ont échangé des devises locales contre des dollars et ont accumulé ce qu’ils pouvaient de leurs économies en espèces à la maison.
L’ancien Premier ministre Saad Hariri a réalisé qu’il avait perdu sa chance de reprendre le pouvoir, mais il était plus conscient que jamais que la voie vers un futur poste de premier ministre passe par le Hezbollah. Hariri améliore ses relations avec le Hezbollah, l’organisation qui a insisté pour son retour d’Arabie saoudite lorsqu’il était détenu de force par le prince héritier Mohammad Bin Salman. Malgré le soutien du Hezbollah à Hariri, l’ancien Premier ministre a démissionné au moment le plus difficile pour le Hezbollah et a avoué que les pressions américaines et saoudiennes l’avaient forcé à appeler à un nouveau cabinet excluant la participation du Hezbollah, sachant que celui_ci et ses alliés ont une majorité dans le Parlement tandis que Hariri est en minorité.
Les ennemis politiques deviennent amis et les amis deviennent les protecteurs des ennemis. C’est le Liban. L’une des principales forces motrices du groupe du 8 mars, et proche alliée du Hezbollah, est le président Nabih Berri,…
La possibilité d’une guerre civile est éloignée. Personne ne peut s’opposer aux forces armées libanaises et au Hezbollah. Les deux entités représentent un mur contre toute possibilité d’une guerre civile dont l’existence se limite principalement aux médias sociaux.
Le Hezbollah fait preuve d’une grande tolérance même envers les Libanais qui se sont manifestés devant l’ambassade des États-Unis à Beyrouth et ont présenté leurs condoléances aux Marines américains tués à Beyrouth lors de l’attentat suicide de 1983, déclenché par le bombardement américain de plusieurs sites libanais et pour avoir pris parti dans la guerre civile. Bien que ces manifestations représentent un spectacle folklorique et que leur poids dans la politique libanaise soit insignifiant, le Hezbollah ne se comporte pas comme l’ultime dominant du terrain ou du gouvernement, même s’il est la force militaire la plus puissante du pays et fait partie de la plus grande coalition politique .
Le Hezbollah a toujours excellé en traversant soigneusement les champs de mines nationaux et régionaux et en retournant la table de ses ennemis au bon moment. Les alliances actuelles au Liban ont été ébranlées par une crise économique qui devrait durer de nombreuses années. Cette crise mettra certainement à l’épreuve la diplomatie du Hezbollah et la cohésion de ses membres.
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