Javad Zarif, victime des luttes de pouvoir intestines et des politiques anti-iraniennes de Trump ?
La démission du ministre iranien des Affaires étrangères pourrait symboliser la victoire des éléments plus radicaux du pouvoir iranien
Il est probablement encore trop tôt pour connaître les véritables raisons pour lesquelles Mohammad Javad Zarif, ministre iranien des Affaires étrangères depuis 2013, a annoncé sa démission lundi, dans la soirée. En fait, étant donné l’opacité du pouvoir en Iran, il est possible que ces raisons restent à jamais inconnues.
Les mots choisis par Zarif dans son annonce – s’excusant pour « les manquements » au cours de son mandat en tant que ministre des Affaires étrangères, mais sans entrer dans les détails – sont déconcertants. Ils sont également inhabituels pour un haut responsable iranien.
Pour le moment, sa démission n’est pas encore parachevée : elle doit encore être approuvée par le président iranien Hassan Rohani.
Il se peut que la décision de Zarif de démissionner soit un stratagème astucieux – approuvé peut-être par le président lui-même – pour surmonter une situation politique manifestement difficile en Iran, largement marquée par une intensification de la lutte intestine pour le pouvoir.
La sortie de Zarif pourrait constituer un avertissement adressé à la communauté internationale par l’Iran
Zarif est le principal responsable iranien des tentatives d’amélioration des relations entre la République islamique et les pays occidentaux, plus particulièrement les États-Unis.
Sa réalisation la plus marquante a été l’accord sur le nucléaire de 2015, connu sous le nom de JCPOA (plan d’action conjoint), en vertu duquel l’Iran a accepté de freiner son programme nucléaire en échange d’une levée des sanctions internationales.
Cependant, la décision du président américain Donald Trump de se retirer de cet accord en mai, suivie de nouvelles sanctions des États-Unis contre les secteurs clés de l’Iran, entrées en vigueur à l’automne, ont porté un dur coup au ministre des Affaires étrangères iranien.
Il n’est pas difficile d’imaginer la forte pression interne subie par Zarif depuis que Trump a annoncé son projet de retrait du JCPOA.
Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a toujours été sceptique quant à la possibilité de conclure un accord durable avec les États-Unis, mais il avait finalement accepté l’idée de négocier avec Washington, en se fondant largement sur le fait que Zarif avait assuré que les sanctions seraient levées.
Ces espoirs furent clairement anéantis par l’abandon du JCPOA par les États-Unis et par l’imposition de nouvelles sanctions américaines contre l’Iran.
La montée des tensions en Iran s’est manifestée clairement la semaine dernière, lorsque les États-Unis ont coorganisé à Varsovie un sommet visant à contrer l’influence de l’Iran dans la région – et au cours duquel plusieurs hauts responsables américains ont publiquement fustigé le gouvernement iranien.
La fenêtre du dialogue se referme ?
En outre, il se peut que la sortie de Zarif constitue un avertissement de la part de l’Iran à la communauté internationale, visant à souligner que la fenêtre du dialogue s’est refermée et que l’Iran est à bout de patience.
Les signaux les plus récents en provenance de la région ont été assez négatifs, à commencer par une attaque contre le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) dans l’est de l’Iran le 13 février, qui a coûté la vie à des dizaines d’officiers du CGRI.
Cet incident portait toutes les caractéristiques d’une provocation délibérée visant à susciter une réaction iranienne – les dirigeants américains, israéliens et saoudiens comptent précisément sur une réaction excessive de la part de l’Iran pour justifier leur intention évidente de promouvoir un changement de régime à Téhéran.
Peut-être que Zarif était le plus ardent partisan de la retenue stratégique et cherchait à éviter une telle réaction excessive, et qu’il a perdu face aux forces politiques opposées.
En effet, dans ce contexte, la démission du ministre des Affaires étrangères pourrait symboliser sa défaite dans la lutte intestine pour le pouvoir face aux éléments les plus radicaux du régime iranien, tels que le CGRI, désormais en tête.
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