La reconstitution du Parti colonial français-13

Élu président par défaut après l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn, François Hollande ne savait rien de la fonction présidentielle. Aussi s’en remit-il à ses hauts fonctionnaires. Il prolongea sous leurs instructions la politique de son prédécesseur. En matière de politique étrangère, il reprit les dossiers en ignorant le retournement de Nicolas Sarkozy à la fin de son mandat. Derrière lui tous les partisans d’une nouvelle épopée coloniale se coalisèrent.

25— François Hollande
et le retour du « parti colonial »

Mais Sarkozy perd l’élection présidentielle. Lorsqu’il quitte l’Élysée, il devient salarié du Qatar pour 3 millions d’euros annuels et le représente par exemple au conseil d’administration du groupe hôtelier Accor.

Bien qu’il ait été élu sous la bannière du Parti socialiste, François Hollande gouverne au nom du «  Parti de la colonisation  » [1]. À l’issue d’un an et demi de mandat, il annonce à ses électeurs stupéfaits qu’il n’est pas socialiste, mais plutôt social-démocrate. En réalité, dès le jour de sa prise de fonction, il avait été clair. Comme ses prédécesseurs, il place sa cérémonie d’investiture sous les auspices d’une personnalité historique  : il choisit Jules Ferry (1832-1893). Certes, ce dernier organisa la gratuité de l’enseignement primaire, mais à son époque il était extrêmement impopulaire et désigné sous le sobriquet du «  Tonkinois  ». Il fut en effet l’homme qui défendit les intérêts de grands groupes industriels en Tunisie, au Tonkin et au Congo, lançant la France dans des aventures racistes et coloniales. Et contrairement à ce que l’on admet communément, son intérêt pour l’enseignement primaire n’était pas tourné vers l’éducation des enfants, mais vers leur préparation comme soldats de la colonisation. C’est pourquoi, on désignait ses instituteurs comme ses «  hussards noirs  ».

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Le socialiste Jules Ferry (au centre, portant des favoris) a théorisé le droit des « peuples supérieurs » à « civiliser » les « peuples inférieurs ». Il a mené le « Parti colonial », lobby transpartisan des intérêts coloniaux. Il a organisé l’école publique gratuite et obligatoire afin de soustraire les enfants à la mainmise du clergé et d’en faire de bons soldats.

Il peut paraître étrange de parler de «  colonisation française  » à propos de François Hollande, tant cette expression semble surannée. Elle est souvent mal comprise car associée à tort à une colonisation de peuplement alors qu’il s’agit d’abord d’un concept économique. Au XIXe siècle, alors que des paysans et des ouvriers résistaient jusqu’à la mort à des patrons qui les exploitaient sans vergogne, certains parmi ces derniers eurent l’idée de poursuivre leurs profits au détriment de peuples moins organisés. Pour mener à bien leur projet, ils modifièrent aussi bien le mythe national que l’organisation laïque de l’État de manière à arracher la population à l’influence des Églises.

Arrivé à l’Élysée, François Hollande choisit Jean-Marc Ayrault comme Premier ministre. L’homme est réputé raisonnable, mais il a pris fait et cause pour la colonisation de la Palestine. Il est ainsi président d’honneur du Cercle Léon Blum, une association créée par Dominique Strauss-Kahn pour rassembler les sionistes au sein du Parti socialiste. Ancien Premier ministre, Léon Blum avait promis au mouvement sioniste, en 1936, de créer l’Etat d’Israël au Liban et en Syrie mandataires [2].

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Déjà en 1991, lorsqu’il était Premier ministre, Laurent Fabius n’avait pas manifesté de sollicitude pour la vie des autres.

Hollande désigne Laurent Fabius comme ministre des Affaires étrangères. Les deux hommes étaient autrefois rivaux, mais Fabius a négocié avec l’émir du Qatar et avec Israël leur soutien durant la campagne électorale [3]. C’est un homme dénué de convictions, ayant changé plusieurs fois d’avis sur des sujets majeurs au gré des opportunités. En 1984, alors qu’il est Premier ministre, 2 000 hémophiles seront contaminés et mourront afin de protéger les intérêts de l’Institut Pasteur dont le test de détection du sida n’était pas encore prêt. Grâce à François Mitterrand qui modifie les règles de procédure, il est relaxé par la Cour de Justice de la République selon le principe «  responsable, mais pas coupable  ». Son ministre de la Santé, Edmond Hervé sera condamné à sa place.

Hollande choisit comme ministre de la Défense son ami Jean-Yves Le Drian. Les deux hommes ont milité ensemble pendant des années derrière le président de la Commission européenne Jacques Delors au sein du Parti socialiste. Durant la campagne électorale, Le Drian s’est rendu au nom de Hollande à Washington où il a fait allégeance à l’Empire états-unien.

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Bien que d’extrême-droite, le général Benoît Puga exerce une forte influence sur le président socialiste François Hollande.

En outre, décision sans précédent, le Président Hollande maintient à son poste le chef d’état-major privé de son prédécesseur, le général Benoît Puga. L’officier est plus âgé que lui et partage les convictions d’extrême droite du père du Président. Il dispose du privilège de pouvoir entrer à tout moment dans son bureau et entretient une relation quasi paternelle avec lui.

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Le préfet Édouard Lacroix (1936-2012) fut directeur général de la Police nationale (1993), puis directeur de cabinet de Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur (1994-95). Il fut négociateur entre Claude Guéant et Mouamar Kadafi avant d’être assassiné sur instruction du président François Hollande.

Avant toute chose, François Hollande tire un bilan de la destruction de la Libye. La Jamahiriya disposait d’un Trésor évalué au minimum à 150 milliards de dollars. Officiellement, l’OTAN en a bloqué ou fait bloquer environ un tiers. Qu’est devenu le reste  ? Les Kadhafistes pensent pouvoir l’utiliser pour financer la Résistance sur le long terme. Mais en avril, le préfet Édouard Lacroix qui avait reçu un accès à une partie de ces investissements meurt en une journée d’un «  cancer foudroyant  » [4], tandis que l’ancien ministre du pétrole, Choukri Ghanem, est retrouvé noyé à Vienne. Vraisemblablement avec la complicité passive du ministre français des Finances, Pierre Moscovici, du conseiller économique de l’Élysée, Emmanuel Macron, et de divers banquiers d’affaires le Trésor états-unien fait main basse sur le magot  ; le casse du siècle  : 100 milliards de dollars [5].

Début juin 2012, la France et le Royaume-Uni participent à la réunion du groupe de travail «  Relance économique et Développement  » des Amis de la Syrie, aux Émirats Arabes Unis, sous présidence allemande [6]. Il s’agit d’impliquer les États membres dans la guerre en leur promettant un butin. Plusieurs années auparavant les sociétés norvégiennes InSeis Terra et Sagex avaient officiellement procédé à la recherche d’hydrocarbures en Syrie. Bien qu’elles n’aient déclaré avoir détecté 13 champs pétroliers et gaziers qu’en deux dimensions, elles les avaient en réalité arpenté en trois dimensions et connaissaient donc la valeur de chacun d’entre eux. La Sagex ayant été rachetée par une société franco-US cotée à Londres, CGG Veritas, puis absorbée par le groupe Schlumberger, trois États se trouvent bientôt en possession de ces précieux renseignements, mais toujours pas la Syrie qui n’en prendra connaissance qu’en 2013. Selon ces recherches, la Syrie disposerait d’un sous-sol au moins aussi riche que celui du Qatar. Le Royaume-Uni fait entrer Oussama Al-Kadi, un cadre de British Gas, au Conseil national syrien. Avec son aide, Paris et Londres attribuent aux présents des concessions sur l’exploitation à venir d’un pays qu’ils n’ont pas encore conquis.

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Le missile Boulava tire son nom d’une antique masse d’arme slave faisant office de bâton de maréchal des armées cosaques.

L’Arabie saoudite s’apprête à lancer une armée sur Damas, tandis que le Royaume-Uni prendra le contrôle des médias syriens. La coordination des forces a été testée en Jordanie lors de l’exercice Eager Lion 2012, sous commandement US. Les leaders libanais se sont engagés à rester neutres en signant la Déclaration de Baabda [7]. La Syrie devrait tomber rapidement. Toutefois, la Russie tire alors deux missiles intercontinentaux, un Topol depuis les bords de la Caspienne et un Boulava depuis un sous-marin en Méditerranée. Le message est clair  : si les Occidentaux n’ont pas compris les deux veto russes et les deux chinois au Conseil de sécurité et qu’ils attaquent la Syrie, ils doivent se préparer à une nouvelle Guerre mondiale [8]. Une polémique s’engage avec Sergueï Lavrov pour savoir qui est «  du bon côté de l’Histoire  » [9].

Le 30 juin, l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, mandaté par son successeur Ban Ki-moon et par le secrétaire général de la Ligue arabe, préside à Genève une conférence internationale sur l’avenir de la République arabe syrienne. Aucun représentant syrien – ni du gouvernement, ni du CNS – n’est invité. Les États-Unis et la Russie conviennent qu’ils ne se feront pas la guerre au Proche-Orient. Ils décident de la création d’un gouvernement d’union nationale, sous la présidence de Bachar el-Assad, intégrant quelques éléments du CNS. La guerre est officiellement finie. Le monde est redevenu bipolaire, comme lors de la Guerre froide [10].

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Quelques jours après être parvenu à trouver un accord entre les Etats-Unis et la Russie sur la Syrie, Kofi Annan doit faire face à la reculade des Occidentaux. Il démissionne.

Sauf que la secrétaire d’État Hillary Clinton n’entend pas entériner la fin du monde unipolaire, ni respecter sa signature – selon elle, extorquée sous la menace – et que les ministres français et britanniques émettent des réserves sur l’interprétation du communiqué final.

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Manaf Tlass est perçu comme une prise de choix par les Amis de la Syrie. Mais le jeune homme préfèrera jouer du piano plutôt que de renverser son ami d’enfance, Bachar el-Assad.

C’est alors que la DGSE parvient à organiser la défection du général Manaf Tlass, un ami d’enfance du Président el-Assad, et à le ramener à Paris. Elle le présente comme une personnalité de premier plan. En réalité, Manaf est devenu général en marchant dans les traces de son père, le général Moustafa Tlass, ancien ministre de la Défense. C’est un artiste qui ne s’est jamais intéressé à la politique. Au début de la guerre, il avait négocié un compromis avec les «  révolutionnaires  » pour rétablir la paix dans sa ville natale de Rastan, mais cet accord avait été rejeté par le Président. Il en a conçu une forte rancœur. Manaf étant un ami, la presse française qui – comme la classe politique française – ne vit que pour l’argent en conclura qu’il finançait le Réseau Voltaire, ce qui est faux [11]. À Paris, il est reçu par son père, qui s’y est installé à sa retraite, en 2004  ; par son frère Firas, qui dirige depuis le Qatar la construction des souterrains des jihadistes  ; et par sa sœur qui fut intime de Roland Dumas, puis du journaliste Franz-Olivier Giesbert avec lequel elle travaille encore. Cependant, Manaf arrive trop tard pour se voir sacré président en exil par la conférence des «  Amis de la Syrie  ».

Le stratagème mis en œuvre à Abou Dhabi s’avère fructueux. On se précipite à cette troisième conférence des «  Amis de la Syrie  », le 6 juillet 2012 à Paris. Ils sont 130 États et organisations intergouvernementales, alléchés par les effluves de pétrole et de gaz, à y participer. Alors qu’une semaine plus tôt Hillary Clinton et Sergueï Lavrov ont solennellement signé la paix, une forte délégation états-unienne est présente pour relancer la guerre.

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Le criminel de guerre Abou Saleh (Brigade al-Farouk) était l’invité spécial du président François Hollande (le jeune homme de face, assis sur le côté de la tribune, à la droite de la photo)

François Hollande monte à la tribune et fait s’asseoir auprès de lui Abou Saleh, le jeune «  journaliste  » de France24 qui s’était enfui de Baba Amr avec les Français. À l’issue de la réunion, il félicite longuement le «  révolutionnaire  » sous les objectifs des caméras de l’Élysée. Cependant, ces images seront retirées du site Internet officiel lorsque je ferai remarquer qu’Abou Saleh est un criminel contre l’humanité ayant participé au tribunal révolutionnaire de l’Émirat qui condamna et fit égorger 150 civils chrétiens et alaouites.

Le discours du Président Hollande n’a pas été écrit par son cabinet, mais en anglais à Washington, New York ou Tel-Aviv, puis traduit en français [12]. Après avoir salué l’effort de Kofi Annan comme un progrès dans la bonne direction, il s’exclame «  Bachar el-Assad doit partir, un gouvernement de transition doit être constitué  !  » De facto, il change le sens du mot transition qui, dans le Communiqué de Genève désignait le passage du temps des désordres à celui de la paix. Désormais, il s’agira de la transition entre une Syrie avec Bachar el-Assad et des institutions laïques inspirées de la Révolution française à une autre, confiée aux Frères musulmans. L’expression «  transition politique  » remplace désormais celle de «  changement de régime  ». Le CNS exulte, tandis qu’Hillary se délecte.

L’unanimisme des «  Amis de la Syrie  » est certes fondé sur les espoirs d’hydrocarbures, mais il a un côté irrationnel. Je ne peux m’empêcher de penser que c’est la plus vaste coalition de l’histoire humaine et qu’elle poursuit l’antique affrontement entre l’Empire romain et le réseau des comptoirs marchands syriens. La formule de Caton l’Ancien résonne à mes oreilles  : «  Carthago delenda est  » (Il faut détruire Carthage  !).

Dans les jours qui suivent, François Hollande, David Cameron et Hillary Clinton ne cessent de répéter comme un mantra «  Bachar doit partir  !  » Ce faisant, ils reprennent à leur compte le slogan des révolutions colorées («  Chevardnadze Assez  !  » ou «  Ben Ali dégage  !  ») S’adressant à leurs homologues comme à une foule, ils ne nomment plus le Président el-Assad que par son prénom, «  Bachar  ». Cette méthode ne les conduira à rien, sinon à démontrer leur impuissance. Le 12 juillet 2012, l’opération «  Volcan de Damas et séisme en Syrie  » démarre. Plus de 40 000 mercenaires, venant de tous les pays arabes, formés par la CIA en Jordanie, encadrés par la France et le Royaume-Uni, et rémunérés par l’Arabie saoudite, traversent la frontière et se ruent sur Damas [13].

Le retrait français lors de la libération de Baba Amr et l’accord de paix signé deux semaines plus tôt à Genève ne sont plus que de lointains souvenirs. Une nouvelle guerre contre la Syrie commence, cette fois avec des armées de mercenaires. Elle sera considérablement plus meurtrière que la précédente.

https://www.voltairenet.org/article206778.html

Liste des épisodes du livre:

Sous nos yeux-1

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