Le Boycott ou la participation, le dilemme historique des partis arabes en Israël

Exclusive, Bianca Anton– Alors même que les politiciens israéliens se disputent acharnement sur la composition du futur gouvernement et sur le poste du Premier ministre, il nous paraît important d’analyser la perspective qui s’est ouverte au lendemain des élections du 17 septembre, devant les partis arabes en Israël. Leur recommandation de Benny Gantz, le leader de Kakhol Lavan, au poste de Premier ministre, est un fait rarement observé sur la scène politique d’Israël. C’est la première fois, depuis 1996, qu’un parti à majorité arabe ou une liste commune de partis arabes soutient un bloc Sioniste à la Knesset. À noter que dans la direction du parti Kakhol Lavan, l’on peut signaler le nom des trois anciens généraux de l’armée israélienne (IDF). Cela renforce encore l’aspect inattendu de cette coopération entre la Liste commune arabe et le parti Bleu et Blanc.

Selon un sondage américain, 76% des électeurs inscrits sur la liste commune préfèrent soutenir une coalition gouvernementale. Le tabou est plus grand du côté juif, plutôt.  Aujourd’hui, en 2019, 50% des juifs s’opposent à l’intégration des Partis arabes dans une coalition pour former le gouvernement. Le chiffre était à la hauteur de 66% en 2017. Tenant compte de l’impasse politique en Israël, les politiciens israéliens ressentent la pression de leurs électeurs en vue d’éviter un troisième tour des élection législative en moins d’une année. Rappelons que le 9 avril 2019 et le 17 septembre 2019 les Israéliens se sont présentés aux urnes pour que leur représentants à la Knesset forment un gouvernement mais à chaque fois Netanyahou du parti Likoud a échue à former un gouvernement de l’union nationale.

La liste commune est formée de 4 partis. Parmi eux, le parti Balad (Ligue démocratique nationale), dirigé par Dr Zahalka, est le plus attaché au nationalisme palestinien. Ce parti, qui a gagné 3 mandats dans les élections du 17 septembre, s’est opposé à la recommandation de Gantz pour former le prochain gouvernement. Ce parti argumentait sa décision sur la base de cette pensée que l’Etat d’Israël qui a récemment adopté la loi discriminatoire sur le concept de l’État-Nation ne prendrait pas en considération le principe de l’égalité arabo-juive. Balad (ou Tajamoa d’après son nom arabe) a veillé à ce que ses trois membres à la Knesset ne soient pas comptés parmi ceux qui recommandent Benny Gantz.

Au cours des élections du 17 septembre, la Liste commune s’est renforcée, en passant de dix sièges (en avril) à treize sièges. Notons que les partis arabes n’avaient pas une liste unifiée lors des élections du 9 avril. En avril, les électeurs arabes ont été déçus par le fait que les quatre partis n’aient pas réussi à s’entendre sur une liste unifiée. Le taux de la participation des Arabes Israéliens était très bas en avril. La révélation de la chaîne 12 de la télévision israélien a montré que certaines opérations publicitaires (Comme les grands panneaux appelant les Musulmans à boycotter des élections) dans les zones arabe d’Israël étaient financées par les mouvements sionistes de la droite. Cette fois-ci, les partis à majorité arabe ont formé une liste unie et le taux de participation a considérablement augmenté (60% contre 40% du mois mars). Les Palestiniens-Israéliens sont venus en plus grand nombre pour une autre raison aussi: Pur contrarier Benjamin Netanyahu qui avait recours aux propagandes racistes anti-arabes lors de sa campagne électorale. En effet, la décision de recommander Gantz était une initiative pour éviter un nouveau mandat de Netanyahu.

En principe, les partis arabes croyaient qu’un engagement de principe avec Israël servirait mieux les intérêts des musulmans et des Palestiniens que le refus de tout contact avec Tal Aviv.

Cheikh Ahmad Al-Raysuni, successeur du cheikh Yusuf al-Qaradawi à la présidence de l’Union internationale des érudits musulmans (International Union of Muslim Scholars – IUMS), a récemment déclaré qu’il ne soutenait pas une politique du siège vide et que les musulmans pouvaient décider eux-mêmes s’ils voteraient aux élections israéliennes. Alors que l’Egyptien Qaradawi interdisait la participation au motif que cela légitimerait Israël, le Marocain Al-Raysuni a souligné que le vote pourrait être un moyen de pression contre l’occupation israélienne. De même, Al-Raysuni s’est récemment prononcé contre l’interdiction par Qaradawi du pèlerinage à la mosquée Al-Aqsa alors qu’il était sous occupation israélienne. En écartant l’idée du Boycott, il a affirmé que la présence des pèlerins musulmans sur le site sacré Al-Aqsa pourrait être utile en vue de défendre les intérêts islamiques contre Israël. Al-Raysuni ne croit pas que de tels pèlerinages constituent une normalisation, bien que ce chef religieux ait rendu des fatwas explicites contre la normalisation des relations entre les États arabes et Israël.

L’appui rapide et unanime à la candidature de Gantz par la Liste arabe suggère que les partis arabes planifient pour les nouvelles formes d’action politique au sein des institutions de l’État hébreu. Les leaders de ces partis arabes ont annoncé publiquement que la position d’Al-Raysuni les a encouragés dans leur décision.

La principale étape dans le procès de l’implication des partis arabes dans les élections israéliennes a eu lieu en 1996. Pourtant, la liste commune ne jouera presque certainement pas un rôle décisif dans la formation d’une coalition en 2019. Néanmoins, sa recommandation pour Gantz souligne qu’elle pourrait transformer le futur paysage politique d’Israël. Un signe précoce de cette situation est apparu après les élections d’avril lorsque Netanyahu, malgré sa haine démesurée contre les politiciens arabo-israéliens, aurait était obligée de négocier avec les arabes pour former une coalition 61 sièges. Netanyahu espérait qu’un ensemble des mesures socio-économiques suffirait à amener les Arabes Israéliens à la table des négociations. Mais Netanyahu a rapidement compris que leurs revendications incluaient la reconnaissance officielle des villages du Néguev (Naghab), la lutte contre la violence criminelle contre la minorité palestinienne d’Israël, l’abrogation de la loi sur l’État-Nation et l’amélioration du statut de la langue arabe. La recommandation de la liste commune en faveur du leader de Kakhol Lavan pourrait débuter une nouvelle ère politique où les chefs des partis israéliens qui cherchent à former des gouvernements doivent penser à une coalition en présence des partis arabes.

L’on peut conclure que dans la condition actuelle où presque 2 millions Arabes habitent en Israël (un pays de moins de 9 millions d’habitants), la politique du boycott ne peut plus être convenable pour les électeurs musulmans d’Israël. Surtout dans une perspective à long terme, les sièges obtenus par les partis arabes vont influencer la scène politique d’Israël. Les figures emblématiques comme Aymen Odeh ont bien approuvé leur compétence pour assumer le leadership des orientations politiques des Arabes en Israël. Les Medias israéliens et la tribune de la Knesset offrent une occasion spéciale aux politiciens arabes en vue suivre les revendications légitimes des Arabes musulmans d’Israël.

 

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